Cet article n’a pas pour objectif de présenter le mouvement d’une façon quelconque. L’intérêt, se trouve dans les questions que l’on va se poser, les débats qu’elles vont engendrer. Cet article peut vous faire réagir, n’hésitez pas à intervenir et à me donner vos impressions.
Le XX siècle marque un changement radical dans la forme pictural mais aussi dans son approche. En effet, une nouvelle ère nait, on abandonne le recours au prétexte figuratif, le motif disparait et la peinture se libère ainsi de l’observation, de la description et de la représentation. La peinture devient autonome.
« Un jour que j’étais à Munich j’ai eu une expérience hallucinante. C’était au crépuscule, je venais de rentrer chez moi, ma boîte de peinture sous le bras, quand tout à coup, mon regard se posa sur un tableau d’une beauté indescriptible qui était imprégné d’une lumière intérieure. Pendant un moment, je restais saisi, puis rapidement j’allais vers cette peinture énigmatique dans laquelle je ne pouvais voir que des formes et des couleurs dont le contenu m’était incompréhensible. La réponse de l’énigme vint immédiatement : c’était l’un de mes propres tableaux couché sur le côté contre le mur […] alors je sus pour de bon que le sujet portait préjudice à mes tableaux »
« Alors je sus pour de bon que le sujet portait préjudice à mes tableaux »
Une nouvelle vision
Par la fondation du mouvement [l’Art Abstrait], une nouvelle vision de la représentation naît. On ne cherche plus à reproduire notre monde en l’imitant mais l’artiste cherche dorénavant à transmettre sa vision intérieure, du monde.
Wassily Kandinsky est considéré comme l’initiateur du mouvement. Dès le débuts des années 1910, il renonce à représenter la réalité et chaque tableau se présente comme une symphonie de taches colorées qui éclatent en tous sens. Il cherche sans cesse à transmettre ses émotions profondes, la peinture est pour lui le langage de la sensibilité, qui dit avec des formes et des couleurs ce que les mots ne peuvent exprimer. L’art gagne une liberté absolue, l’artiste peut alors exprimer ses sentiments au plus profond de lui. Vers 1916, c’est à dire au milieu de la première guerre mondiale, Kandinsky de retour en Russie, adopte des coloris plus sombres, illustrant ainsi le climat pessimiste de son époque.
Un art visant la sensation et rejette la représentation
La première caractéristique propre à ce mouvement est l’abstraction géométrique, secondement l’intérêt est d’adopter une démarche spirituelle voulant se détacher du monde des objets en retrouvant la pureté, le vide la dimension spirituelle de l’Homme. Concrètement, le peintre utilise des moyens abstraits (triangles, cercles, lignes), ses tableaux sont souvent composés de noir pur ainsi que de blanc (semblable au futurisme, voir article : « Le Futurisme, une Révølution »). Kandinsky considérait que les couleurs et les formes pouvaient communiquer des vérités spirituelles, cachées derrière les apparences quotidiennes difficiles à décrire par les mots.
« La couleur est le clavier. L’oeil est le marteau. L’âme est le piano, avec ces nombreuses cordes. L’artiste est la main qui fait résolument vibrer l’âme au moyen de telle ou telle touche. » // Kandinsky
Le symbole du suprématisme : le carré
Pourquoi avoir choisi un carré ?
En règle générale Malevitch utilise seulement trois « formes » : le carré, le cercle et la croix. Cependant, le carré est la forme représentative de ce mouvement. En effet, les formes utilisées par ce mouvement sont dites « bidimensionelles », elles se forment sur deux dimensions. Le carré est obtenu par une synthèse scientifique et non naturelle. « La forme zéro à partir de laquelle toute unité visuelle est dérivée ».
« Quand il me vit, il me dit tout bas: nous serons tous crucifiés. Ma croix, je l’ai déjà préparée. Tu l’as sûrement remarquée dans mes tableaux ».
Un mouvement qui casse les codes
Il est évident que le suprématisme s’apparente à un mouvement qui souhaite casser les codes. Lorsque j’emploie ‘casser les codes’, je veux insister sur le fait que l’artiste veut marquer une rupture avec le passé. Oublier tout signe extérieur et ne se concentrer que sur son oeuvre, rien ne joue sur l’oeuvre, c’est l’artiste qui joue avec les sens. Une toute nouvelle conception de l’art naît durant une période où le monde est en guerre, ‘la Première guerre mondiale’ aura un impact sur les artistes, on remarquera que les tableaux s’assombrissent durant la période 1916-1921.
Qui aurait pu penser qu’un « simple » carré noir sur un fond blanc, s’apparenterait à de l’art ?
Le Suprématisme peut se résumer comme « l’apologie du non-art ». « Non-art » dans le sens, d’une rupture avec l’art. Pourquoi le « suprématisme » ? Tout simplement parce que les artistes appartenant à ce mouvement qualifient leurs travaux comme l’état suprême de l’art. En effet, on remarque un évident lien entre le vide et l’absolu, un carré noir sur un fond blanc pourrait se résumer comme une oeuvre ultra simpliste… Mais, en étudiant les coloris choisis par l’auteur, on peut penser que le noir contraste du blanc peut se résumer comme un travail ultra technique, par la simple opposition de deux forces : le blanc et le noir. Indépendant de tout aspect social, politique, économique ou religieux, son objectif est de répondre et de satisfaire aux sens par la beauté et l’harmonie. Cependant, si on se réfère aux explications de Malevitch on ne peut alors apporter une explication rationnelle, dans le sens où cette peinture ne répond qu’aux sens et est dépourvu de tout éléments extérieurs. Selon moi, bien que l’auteur insiste sur le fait que cette peinture soit « sans sens », j’attribue une explication qui est la plus rationnelle : l’opposition du blanc et du noir refléteraient une fracture entre Communiste et Tsariste. Ce qu’on pourra également constater dans carré rouge sur fond blanc (1915), à savoir l’opposition Communiste (rouge) / Tsariste (blanc).
Critique d’un monde superficiel
Malevitch abordera trois éléments, en lien avec sa peinture. Le premier est le système.
Le système à savoir l’activité de l’Homme. Initialement prévu pour répondre aux besoins vitaux de l’Homme, le système s’est alors transformé en système pervers. Par cela on entend la société de « sur-consommation », qu’il appellera « la sphère de la mangeaille ». Concernant l’art et le système, selon Malevitch l’art est devenu outil pervers d’un système. Ceci vient s’ajouter à une question que l’on se pose sans cesse : « l’art peut-il se vendre ? » Malevitch critique ce système superficiel corrompu par l’argent. Il se passionnera pour l’idéologie communiste, il est très hostile à ceux qu’il appelle les ‘matérialistes’.
Kazimir Malevitch réunit la religion dans les catégories matérialistes. Système vide de sens qui a pour objectif de satisfaire le vide du « non-savoir de l’Homme ».
« Par les chasubles, les artistes ont caché les prêtres et par les chasubles d’autres leaders ont trompés le peuple par la beauté, car la beauté a caché le visage de la réalité »
La Science ne pouvant pas tout expliquer, c’est alors la religion qui « comble » le vide par la bêtise, tout en exigeant d’y croire.
Le Suprématisme, un mouvement Révolutionnaire
Le climat dans lequel vit Malevitch (et en général les avants gardes Russes) est marqué par une certaine envie de révolution. Une envie de changement, Malevitch est un Soviétique. Il a opéré durant la période des Révolution Russes (1917). Ses idéaux étaient nettement influencés par les idéaux communistes Révolutionnaires. En 1915, Malevitch aborde alors la peinture d’un oeil différent. Il élabore le suprématisme coloré. La couleur rouge (vu plus haut dans l’article) symbolise le pouvoir et la révolution. Le blanc : l’espace infini. Un esprit révolutionnaire prend le peuple Soviétique, une envie de changement… Et elle s’opère également par le biais de la peinture. Malevitch frappa d’un grand coup en présentant ses oeuvres Révolutionnaires en 1915, lorsqu’il présenta à la dernière exposition futuriste de Moscou ses 35 toiles composées uniquement de formes géométriques simples. Il accompagna cet ensemble d’un manifeste (un certain guide) dans lequel il décrivait son oeuvre comme l’icône de son temps, une nouvelle forme de pensée en rupture avec le passé.
J’ai trouvé intéressant de rapprocher le mouvement du « Suprématisme » et le mouvement du « Futurisme ». Avant de lire cette partie de l’article, je vous invite à (re)lire mon article sur le Futurisme (Le Futurisme, une Révølution).
Ces deux mouvements abordaient le monde d’un oeil différent mais les deux voyaient le travail de peintre indépendant du monde extérieur. C’est à dire que dans le cas du futurisme, on devait rompre avec le passé et voir vers le futur. Malevitch insiste sur le fait que l’artiste doit s’écarter du monde extérieur et éviter de s’y soumettre. Cependant, dans le suprématisme, passé, présent comme futur coexistent.
Dans ces deux mouvements on voit le monde en perpétuel mouvement. Dans le futurisme, on prône la vitesse, dans le suprématisme l’image représente un moment dynamique en cours. On retrouve dans les deux mouvements l’idée d’une peinture pourvue de lignes.
«le Socialisme est la dernière étape vers le Suprématisme non figuratif»
Les deux mouvements picturaux furent des mouvements révolutionnaire, précurseurs d’une nouvelle vie économique et politique.
Année 1917, certains peintres Futuriste se tournent vers le Suprématisme. Entre 1910 et 1915, on rattache le Cubisme au Futurisme : le Cubo-Futurisme. Le Suprématisme découle directement du Cubo-Futurisme. C’est pour cela que l’on admet totalement un lien entre futurisme et suprématisme.
Musique électronique et Cubo-Futurisme
Il m’a semblé évident de mettre en lien la musique électronique et le Cubo-Futurisme. J’ai donc décidé pour cela de vous faire voyager dans le monde du Cubo-Futurisme, tout en sélectionnant une track de musique électronique qui serait en accord avec une peinture [Cubo-Futuriste]…
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